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 (toby) let it all go.

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Daisy Donovan
rooster


Daisy Donovan

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MessageSujet: (toby) let it all go.   (toby) let it all go. EmptyLun 12 Juin - 22:10

nuit du 19 avril.

C'est l'heure. Daisy, elle le sent au plus profond de ses tripes qui la démangent, elle le sent dans ses veines qui crament du brûlant des impulsions les plus absolues, elle l'éprouve au creux de son palpitant qui cogne dans sa poitrine et au sifflant de sa respiration abrupte, hachurée, consciente que quelque chose est en train de se produire à l'intérieur. Comme un signal fort envoyé par tous ses organes auquel elle n'a pas d'autres choix que celui de s'y plier. C'est l'heure, voilà tout. Il est exactement 06h02 du matin lorsque Daisy s'éveille, déjà fébrile malgré une nuit trop courte. Souplement, elle s'extirpe d'entre ses draps, se saisit de son sac à dos et dévale la distance la séparant du sol pour venir planter sa silhouette de roseau devant les couchettes de ses amis qu'elle détaille de ses prunelles conquises. Ryder est assoupi. Il dort du sommeil des justes, les traits détendus à la pureté ineffable, beau comme un tableau romantique et Dee n'a pas la force de le réveiller pour ternir son visage de l'ombre de la mort. Et puis, au-dessus, repose Toby. Toby qui s'agite, Toby qui remue doucement pour ne réveiller personne, Tobs au sommeil léger, capricieux, aussi nerveux que lui. Il est réveillé, déjà, et un poids s'envole loin de ses épaules devant ce constat. Daisy, elle ne sera pas seule et c'est tout ce qui compte, elle qui aurait déjà trébuché dix fois, cent fois, sans leur soutien constant, sans leurs doigts autour des siens, leurs voix pour couvrir les autres moins amicales et leurs sourires pour venir se ficher dans son coeur tout mou. "Tobs ?" chuchote-t-elle en grimpant à sa rencontre sans oser se glisser entre ses draps, dans un geste qui lui aurait seulement paru naturel, avant. Avant sa peau contre la sienne, avant ses mains et ses reins, ses lèvres et les siennes dans un langage profond pourtant si éloigné des mots. D'une main délicate, Dee secoue précautionneusement son épaule et soupire de contentement en croisant son regard vif, à l'acuité pénétrante : il est réveillé. Depuis longtemps. "Il faut que je le fasse. Maintenant." Daisy, elle supplie de ses prunelles torturées, de son visage brouillé trop peu habitué à porter le masque de tout ce qui le chagrine. Elle, c'est celle qui prétend. Tout le temps. Elle avance rarement l'âme à vif, à découvert, prête à recevoir les coups qui s'y imprimeraient bien trop durement. Dee, elle préfère la tiédeur de l'hypocrisie qu'elle n'assume pourtant pas, elle préfère le masque des apparences et les sourires qui sonnent parfois creux. Elle préfère à la souffrance la désinvolture, aux sentiments brûlants les passions éphémères. Mais il y a des matins où c'est trop lourd et celui-ci en fait partie. Sans un mot, elle s'écarte et rejoint le sol, l'attendant comme elle attendrait le messie, rivant sur l'échelle des prunelles enflammées où luit l'espoir, ce sale espoir.
Il est là, Tobs, et il sait. Il décrypte sans une explication la raison de ses traits crispés, de ses yeux cernés, il devine sans doute le poids du sac à dos qui cisaille ses épaules, pourtant léger. Mais ce n'est pas seulement des cendres, qu'il contient. C'est des années de regrets, de souffrance silencieuse, de délitement, d'incompréhension, de frustration, de peine, de douleur, de colère. C'est une relation inachevée, belle, lumineuse, devenue ombre et ténèbres depuis qu'il faisait tout le temps nuit sur lui. Mais Toby, il sait tout ça parce qu'il a était là, à chaque moment, à chaque journée de chaque année. Il a écouté ses doutes, chassé ses larmes et ses idées noires, il a embrassé son front, caressé ses cheveux et s'est fait parfois dur, sombre, pour mieux lui faire entendre raison. Alors Dee, elle attrape sa main et la serre entre ses doigts fébriles jusqu'à s'en blanchir les jointures. Elle a besoin de ce contact comme d'un carburant pour franchir les pas qui les éloignent du bus, pour atteindre la mer avant que l'aube ne se lève. Daisy, elle sait. Elle a vérifié, une fois arrivée, c'est peut-être même la première chose qu'elle a faite, sous une excuse, un faux prétexte. Le soleil se lève à 6h21, ici, pile face à la mer comme dans une scène de bouquin. Ou dans un film où les héros s'avouent combien ils s'aiment, baignés par la glorieuse lumière de l'astre céleste. Elle, elle n'en demande pas autant. Elle veut juste la chaleur sur sa peau pour chasser le froid qui glaçait les os de papa en permanence. Elle aimerait seulement la lueur la plus lumineuse, la plus pure, pour vaincre les ténèbres qui l'ont dévoré. Papa, elle ne savait pas trop où le laisser sans sentir son palpitant se déchirer dans sa poitrine. Elle, elle aurait aimé une tombe matérialisée, un endroit où se recueillir et puis pleurer, où raconter ses journées et arroser de jolies fleurs colorées. Mais papa, il ne voulait pas lui causer de soucis. Il ne voulait plus causer de soucis. A personne. Entre ses excuses maladroites, il a seulement demandé à être dispersé dans un endroit plein d'espoir, un endroit capable de chatouiller même le plus endormi des optimismes. Daisy, elle ne savait pas très bien quoi faire, comment l'accomplir mais finalement, ça l'a frappée ce matin : papa, il mérite de tout voir. Il mérite de se mêler à la nature, partout où elle est. Alors papa, il hantera un peu tous les paysages qu'elle croisera, ces six prochains mois. Voilà. Dee, elle ne sait pas comment procéder. Elle est là, au bord de mer, Toby à ses côtés, en silence. Et elle aimerait que ça soit comme dans un film, simple et émouvant à en chialer. "J'ai peur de pas y arriver..." C'est un aveu guttural qui vient du fond de son ventre, du creux de son coeur, une crainte viscérale qui perce depuis les tréfonds et la tétanise. Avec la douceur d'une plume, elle dépose un regard affolé sur Toby, sa main libre fermement enroulée autour de l'urne. Daisy, elle a peur de tout foirer. Elle a peur de jeter mollement des cendres au sol, de les voir revenir lui fouetter le visage, de perdre la poésie de l'instant, la beauté de l'instantané.
Et puis, c'est l'heure. Le soleil s'élève majestueusement au-dessus de la ligne d'horizon et les couleurs sont saisissantes. Dee n'est pas du matin. Elle en a vu des tas, de couchers de soleil mais les levers sont plus rares. Peut-être moins sublimes aux yeux aguerris mais devant ses prunelles néophytes, la nature lui donne envie de tomber à genoux. Elle n'en fait rien, retenant son souffle, lèvres entrouvertes et main jointe à la sienne, celle du pilier qui l'accompagne depuis tant d'années. "Tu peux le faire avec moi ? S'il te plaît..." Elle a la voix enrouée des sanglots qu'elle retient difficilement, rétines brillantes d'un chagrin qui devrait être tari, depuis les années mais n'a jamais réussi à se consoler. Parce que si papa est mort récemment, il était pourtant parti depuis longtemps, laissant à sa fille unique le soin d'entamer un deuil qui n'a finalement ni début, ni fin, mais de nombreux regrets.
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MessageSujet: Re: (toby) let it all go.   (toby) let it all go. EmptyMer 6 Mai - 14:50

Il manque toujorus deux lignes de caractère et j'attends toujorus que tu ne passe pas à la ligne à chaque phrase.
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Toby Blackheart
rooster


Toby Blackheart

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MessageSujet: Re: (toby) let it all go.   (toby) let it all go. EmptyDim 18 Juin - 13:50

remember that one time you said
I had a funny way of turning your hands into coffins,
how it was my fault you always ended up holding dead things?
especially when that thing was me?


Si ça ne tenait qu'à lui, il serait déjà allé griller une clope sur le paysage depuis longtemps. Jeter son mégot à l'horizon jusqu'à ce que l'océan entier ne s'embrase. Peut-être même qu'il ne serait jamais allé se coucher. Il savait dès le départ que ça allait être douloureux. L'insomniaque s'accommode mal de la compagnie. A la rigueur, peut-être que le repos aurait été de la partie si le bus avait résonné en une joyeuse cacophonie de bourdonnements humains qui aurait saturé son ouïe. Raison même pour laquelle, à Hoxie, Toby avait toujours tendance à mieux dormir sur le canapé, la fenêtre à guillotine ouverte sur les engueulades nocturnes à la sortie du diner, les traits baignés par la lueur rosâtre des néons devant leurs carreaux. Il aurait préféré une symphonie – mais c'est le bus calme, putain. Choisi pour lui, il n'est pas dupe, alors que Dee aurait sans doute préféré n'importe quel autre destrier à celui-là. Non pas qu'elle soit foutue de l'admettre un jour, "car Gandhi ou peut-être Shakespeare, enfin un type sage a dit un jour que les bonnes actions doivent être silencieuses, Tobs". Il n'a jamais eu le courage de lui dire que nan, sorry kiddo, c'est l'évangile selon Matthieu. Mais ouais, c'est le bus calme le Rooster, et il n'y a que ce connard ronflant pour interrompre le silence. Dans la tranquillité somnolente ambiante, il est bien trop facile d'accorder son oreille à eux. Rye, sur la couchette du bas, la respiration lourde, quasi cérémonielle. De l'autre côté de l'allée centrale, les murmures de Daisy, le délicat relâchement de l'oxygène avec lequel, durant la journée, elle se gonfle les poumons comme elle le faisait, gamine, avec l'hélium des ballons pour leur chanter le peu qu'elle connaissait de l'hymne national. Toby a trop lu pour ne pas voir, dans leur top bunks respectifs, la putain de métaphore du gouffre entre eux. Si ça ne tenait que lui, il aurait abandonné l'oreiller depuis longtemps, serait allé voir ce que raconte la nuit dans cet état médiocre, bas de gamme, pas franchement plus idyllique que le trou à rat poussiéreux qu'ils ont laissé derrière eux. Mais, face à ses valises sous les yeux, il y a Ryder et son regard inquiet, Daisy et ses doigts papillons qui virevoltent contre ses tempes, comme si elle espérait y trouver la vérité qu'il cache derrière ses "j'vais bien" mécaniques. Face à lui, il y a le souci, étouffant de bienveillance. Aussi, pour les soulager eux plus que lui-même, Toby s'acharne. Tente tant bien que mal de se réconcilier avec un sommeil dont, de toute façon, il n'a jamais voulu l'étreinte.

Puisque un paquet d'années de cohabitation l'ont rendu mélomane, Toby remarque immédiatement l'instant où, dans la partition du silence, Daisy arrête de jouer. Il l'entend se retourner, hésiter, inspirer, penser, aimer, décider, descendre. Et puis : "Tobs ?" Sa poitrine se déchire.
Non.
Jamais de la vie.
On ne l'y reprendra plus. Si elle croit qu'elle peut venir se réfugier contre lui car elle a froid, car elle a peur, car elle n'arrive pas à dormir, ou car un courant d'air imaginaire agite sa couchette, elle a tort. Il feint le sommeil, tout en sachant qu'elle le connaît trop pour y croire – tant mieux. Qu'elle sache, qu'elle comprenne, qu'il n'a pas de place pour elle, qu'il n'en a plus. Qu'il en a marre d'avoir mal et, d'entre tous ses maux, elle est la seule souffrance qu'il peut s'épargner. Alors non.
Les résolutions cruelles sont faciles tant que Daisy est un concept, une notion vague quelque part sur sa droite. Il suffit qu'il se retourne sous l'impulsion de la plainte physique, une paume sur son épaule, qu'il croise son regard, pour savoir que ce n'est pas sa décision. Ça ne l'a jamais été. Il suffit à Daisy d'ordonner, même implicitement, même inconsciemment, pour qu'il obéisse, pour qu'il ouvre les bras, pour qu'il soit prêt à se battre, à la maintenir à l'abri. Même de ses cauchemars. Même d'un putain de courant d'air. Vingt piges que ça dure. Toby, il est bon à rien, pas même à abandonner les mauvaises habitudes. Alors, quand elle dit qu'elle a besoin de le faire, Toby ne se pose pas de questions. Il se redresse, descend, enfile un jean et sa peau de mec solide, quitte le bus. Ses doigts se resserrent autour de ceux de Daisy qui lui répondent au triple et, putain, ils s'agrippent tellement fort au familier qu'entre leurs paumes, on pourrait créer des diamants. Il jette des regards à droite et à gauche, Cerbère de son orpheline. La plage est déserte. Il a envie d'appeler sa mère. Il a envie de faire grimper Daisy sur son dos, comme lorsqu'ils étaient gosses, et courir avec elle  jusqu'à l'année prochaine, la décennie suivante, s'y précipiter désespérément pour forcer le temps à gommer la peine du visage enfantin, puisque personne d'autre n'y est jamais parvenu.  

Ils attendent face aux vagues, en silence. S'il sait que Daisy s'obstine à voir la poésie du moment, Toby n'y perçoit que le misérabilisme. Un tas de cendres et un océan vicié. Tu parles d'un repos éternel. Y a rien de spirituel là-dedans, juste un coin de réalité, décevant et inerte – jusqu'à ce que la voix de Dee se brise sous le coup du deuil. Elle demande de l'aide et, instinctivement, sans que le cérébral en donne l'ordre, les bras de Toby s'abattent autour d'elle, l'encerclent, l'enserrent, il veut absorber sa douleur, littéralement, et fuck everything, fuck logic, il essaie. Il la serre jusqu'à s'imprimer l'empreinte du sac à dos, qu'elle tient serré contre elle, dans la poitrine, un tas de cendre entre deux brasiers et putain, de loin, de toutes, c'est la métaphore qu'il exècre le plus. Ses doigts, qui ont trouvé leur chemin sans concertation jusqu'au crâne de Dee, retombent doucement. Toby se démêle d'elle sans oser croiser son regard. Il se tourne vers le lever de soleil, cette ligne d'horizon dans laquelle il a tant envie de se jeter. Enfonce les poings dans les poches de son jeans. "Requiem æternam dona eis Domine," ce sont ses premiers mots et ils sont rauques, graveleux, solennels, une chandelle et une tronçonneuse, "et lux perpetua luceat eis. Requiescant in pace." Dee n'a jamais été pieuse et, pourtant, il le fait pour elle. C'est son offrande au mort – un peu de dignité. Donner un ersatz de gloire millénaire à une fin qui en a été vide. À une vie qui l'a peu frôlée. "Amen." Il lève les yeux vers Dee, croise son regard de granit tacheté où ondoie la seule flotte vraiment sacrée. Il le soutient, comme pour lui dire maintenant, comme pour lui dire qu'il est là, qu'elle n'a plus grand chose mais qu'elle l'a lui et que, bordel, quand il prie, il prie toujours pour que cela soit suffisant, parce que ça doit l'être, pas vrai, parce quel choix leur reste-t-il ? Les yeux lourds de Toby glissent – question de gravité plus que de volonté – vers le sac à dos. Un tas de cendres. Tout ce qu'il reste de cet homme qui a pris tant de place. Il essaie de comprendre, Tobs, il essaie. N'y parvient pas. Il ne saura jamais comment un homme qui a su occuper l'existence de sa fille, du sol au plafond, peut tenir dans une boîte. Peut-être qu'il aurait dû se recroqueviller plus souvent, de son vivant. Peut-être que, ainsi, Dee aurait pu trouver un peu d'oxygène en dehors de celui que son corps malade avait préalablement filtré. Un tas de cendres. Ça lui glace le sang. Non pas qu'il l'avouerait jamais à Dee. Les flammes, lui répètent des années de catéchisme, c'est le lot des pêcheurs. Un sort destiné aux sorcières et aux coupables, aux tentateurs et aux tentés, aux pyromanes et aux noyés. Le sort qu'il aurait voulu adresser au sien, de paternel, mais que monsieur Donovan ne méritait pas. Celui que Toby se réserve à lui-même. Il ne fume pas pour le plaisir, Toby, pas même pour le goût de la destruction. Il fume pour le présage, et chaque taffe, depuis la première, depuis l'originelle, est son memento mori.
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Daisy Donovan
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Daisy Donovan

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MessageSujet: Re: (toby) let it all go.   (toby) let it all go. EmptySam 24 Juin - 3:06

Daisy a le coeur qui renverse, amarrée seulement à la main de Toby entre sa paume et puis à ses bras, à son souffle, aux battements erratiques de son palpitant tout contre elle. A cet instant, Dee, elle aimerait fusionner avec son meilleur ami. Se mêler à lui jusqu'à l'âme, disparaître en son sein et ne devenir qu'un concept inconscient à l'intérieur de lui, qui ressentirait ce qu'il éprouve au centuple, dorloterait ce qu'il néglige et lui soufflerait à l'oreille tout ce qu'il lui inspire, les jolis mots incapables de franchir la barrière hermétique de ses lèvres. Daisy, elle s'abandonne entre ses bras, ses opales mouillées comme l'océan, pleines d'embruns salés qu'elle s'interdit de laisser couler, mâchoires serrées et volonté fébrile, plus forte que ses os à deux doigts de rompre et sa silhouette fragile de roseau serrée contre la sienne jusqu'à s'y mêler. Elle se serre contre lui comme si plus rien d'autre ne comptait, referme ses bras roseaux autour de son dos noueux et oublie même de respirer contre sa peau, dans sa nuque. Parce que Daisy, elle est terrassée par un chagrin sournois, imprévisible comme les vagues et douloureux comme un uppercut à l'estomac. Elle a le mal de lui, ce papa perdu qui ne pèse rien dans son sac après avoir été si absolu dans son existence, comblant les moindres espaces de ses tristes ténèbres. Elle ne devrait pas être triste pourtant, elle se l'est promis : papa était parti depuis longtemps. Bien avant le myocarde fatigué et le sommeil si lourd qu'il n'en ressortira pas. Il est parti sur la pointe des pieds, lui habitué aux cris ou aux grognements indistincts a choisi de quitter la vie sans heurts. Sans un mot ni un avertissement. Il a seulement fermé les yeux sur le monde, un soir, et décidé qu'il ne les rouvrirait jamais, que c'était trop, qu'il avait assez subi, assez souffert. Infarctus, c'est un vilain mot pour définir le refus de vivre le plus absolu qui l'a caractérisé si longtemps, depuis le départ de maman. Son coeur était fatigué, a dit le médecin devant une Daisy amorphe, triste à en mourir. Mais c'est faux, c'est faux parce que son palpitant ne pouvait pas être épuisé de battre si peu, pour rien, pour personne et pas même pour elle. Ca faisait longtemps que Papa l'avait mis au repos, terrassé par la fuite d'un amour et un suicide raté, incapable de se rattacher à la vie et aux mains d'enfants qui serraient pourtant si fort les siennes à grand renfort de ça va aller, je te promets et autres mièvreries optimistes au goût de miel, tant pour guérir le malade que bercer l'enfant abandonnée. Mais ça n'a pas marché, jamais. Papa est demeuré ce pantin désarticulé, cette ombre vivant de noir et de silence quand Dee devait se gorger de bruits et de lumière braquée sur elle pour se sentir exister.
Elle aurait dû se préparer à perdre Papa, elle aurait dû, elle qui le savait depuis si longtemps. Elle ne pourrait pas le porter à bout de bras jusqu'à la fin des temps, sacrifiant sa jeunesse et ses soirées à sauver un grand noyé. Mais Daisy, elle ne sait pas faire ça, panser des plaies à venir pour éviter les fractures ouvertes. Elle qui a si peur de souffrir élude, elle ferme les yeux très fort et avance à tâtons dans son univers ouaté en espérant que pour une fois, on la laissera évoluer dans sa bulle cotonneuse où rien ne fait mal. Mais non. Et elle est là, au bord de la mer, au bord de la fêlure, à cogner sa carcasse frêle contre le corps chaud de Tobs comme si elle allait en crever, retenant ses larmes à l'aide de toute sa maigre volonté. Celle qu'elle rassemble généralement pour avancer sur une corde raide, vivre une avant-première décisive ou sauter dans le vide en espérant qu'une main amie la saisisse pour la hisser sur un trapèze. Et Daisy, elle sait. Elle sait que Toby, lui, est plus fort. Qu'il ne vit que pour ça, même si ça l'effraie tant : la douleur, la souffrance, tout ce qui fait mal. Quand elle s'en préserve un maximum, refuse la peine et préfère la tiédeur aux affres sanguinolentes de la passion, Toby, lui accueille à bras ouverts tout ce qui lui fait peur. Il recherche sans cesse l'adrénaline, les bruits et surtout la fureur, les conflits et les ecchymoses jusqu'à lui causer un sang d'encre. Et si généralement, Daisy essaye de l'éloigner à ce trou noir et visqueux venu du père, du sien, ce matin, c'est lui qu'elle recherche : celui qui danse en se marrant autour des braises jusqu'à s'en roussir les paumes parce qu'elle, elle craint s'embraser.
Il s'éloigne, Tobs. Ses doigts guérisseurs cessent de danser contre son crâne et ses bras louvoient délicatement, fuyant loin de sa taille ridicule. Dee, elle en a le souffle coupé, elle qui aurait aimé que le temps s'arrête entre ses bras jusqu'à s'achever pour de bon. Elle y aurait été bien, dans cette seconde au goût d'éternité, contre lui, loin de la mort qu'elle porte pourtant chevillée au corps, à l'intérieur de ce sac à dos qu'elle protège comme si sa vie en dépendait. Daisy, elle fixe son meilleur ami de ses opales immenses, blessées, et lorsqu'il entame sa litanie en latin, elle se sent à nouveau respirer, même si ça l'accable d'une façon nouvelle. C'est le poids de la mort, celui qu'elle a essayé de rendre moins lourd en le partageant, en semant derrière ses talons des cailloux minuscules de papa, de maman et de son enfance pour le faire supportable sur ses frêles épaules. Mais ça suffit pas. Ils viennent tout juste de partir, les kilomètres avalés sont incapables de tout emporter et Daisy s'en rend compte, hypnotisée par les mots de Toby. Les mêmes qu'elle ne comprend pas tout fait, elle, la môme hermétique à toutes ces conneries malgré des années de tentatives avortées. Dee, elle a essayé de croire en quelque chose, de croire en un là-haut plus beau. Elle a prié pour Toby qui semblait trouvé un refuge là-dedans un nombre incalculable de fois, pour que l'ogre lui servant de papa cesse d'être possédé par un monstre violent. Elle a prié pour que Dieu, peu importe son nom, lui ramène sa maman, rende les jambes de papa, sa joie de vivre ou ses mots si beaux. Elle a prié pour tout, le nez levé en direction des étoiles et du néant, elle a prié si fort, si souvent, malgré une croyance inexistante, pour elle et pour les autres qu'elle a fini par mépriser avec fougue ce qui ne lui avait apporté aucun réconfort. Et pourtant ... dans la bouche de Toby, dans son timbre subversif où le sacré côtoie son contraire le plus absolu, elle y croit, Dee. Y a quelque chose qui se passe à l'intérieur, qui la bouleverse jusqu'à faire vibrer ses os contre sa peau trop fine, un séisme interne, une douleur contenue jusqu'alors et libérée d'un coup. Elle a la gorge nouée et le ventre déchiré, déversé métaphoriquement sur le sable clair qui le demeure envers et contre tous. Sous le regard chatoyant de Toby où brille la dévotion des cérémonies, Daisy s'écroule, ses doigts-serres pétris autour d'une urne de fortune qu'elle est bien incapable de lâcher. Elle en a le souffle coupé, la gosse, alors que les valves craquent quelque part à l'intérieur, libérant dans ses prunelles un flot de sanglots. Un déluge impossible à contenir.
Elle essaye pour la forme, Dee, elle qui pleure si peu. Elle n'a pas cette grâce, cette beauté singulière qu'est le chagrin délicat des filles vibrantes d'émotion(s). Les siennes sont tues, muselées, repoussées si loin qu'elles flétrissent au lieu de s'épanouir et finissent par s'éteindre en silence, sans qu'elle n'ait conscience de leur existence. Et là, elle les sent, alors que sa main vient serrer plus fort celle de Toby jusqu'à imprimer ses doigts à l'intérieur de sa peau. Elle a la vue brouillée par un chagrin aveugle et sourd, sauvage, une peine enterrée plutôt qu'apprivoisée qui revient la frapper comme une vague et déborde de la prison de ses paupières pour dévaler le long de ses joues rondes d'éternelle môme. Dee, elle suffoque, elle hoquette, elle a l'impression de crever sous la chape de plomb du deuil qui la recouvre subitement, quand elle ne l'attend pas. Ou plus. Elle pensait que la peine se cantonnait à un Hoxie nauséabond, à cette maison emplie de souvenirs parfois heureux mais souvent tristes, à ces visages qui la scrutaient avec l'air d'attendre de sa part quelque chose qu'elle refusait de donner. Mais non. Tout est là, juste sous sa peau et lorsque Daisy abandonne la main amie de Toby, juste quelques secondes, juste le temps d'ouvrir l'urne et d'en laisser échapper une pluie de cendres qui s'envole vers l'horizon, vers ce levant resplendissant, et ce faisant, elle sent une main invisible se refermer autour de sa poitrine. Autour de sa gorge, pour écraser ce palpitant endormi. Alors elle referme rapidement l'urne encore pleine de lui, lui qui aurait aimé tout voir avant d'en perdre définitivement le goût, et vient se fondre entre les bras de Toby. Daisy se jette contre lui comme lorsqu'elle avait sept ans et une peur terrible du croque-mitaine qu'elle imaginait sous son lit. Avec la force du désespoir. Elle referme ses bras malingres autour de sa nuque, les glisse dans son dos, se presse contre sa poitrine et y sèche ses larmes dans un silence de plomb. Seulement froissé par les "Merci" que glisse Daisy contre sa nuque. Elle ne sait même pas s'il est en mesure de les entendre, Tobs, si sa voix écorchée, hachurée de sanglots, croasse assez fort pour parvenir jusqu'à lui.
Elle ignore combien de temps elle reste là, Dee, avec le soleil et son tout comme seuls témoins. Mais dans les bras de Toby, elle suture doucement ses plaies oubliées et calme les tressautements de sa poitrine meurtrie en l'accordant à la sienne, pour une fois si calme. "Merci." rajoute-t-elle de plus belle en se détachant doucement de lui, conservant sa main minuscule perdue dans la sienne. Daisy relève ses opales mouillées sur les traits dignes qu'elle connaît par coeur et s'arrache un sourire pour lui tendre en offrande avant de confier ses doutes. Ceux qui pèsent encore contre elle plus lourd encore que cette urne. "Je... je sais pas ce qu'il aurait préféré ... tout voir, tout goûter ou juste reposer quelque part." Daisy, elle aurait aimé une pierre tombale à fleurir et un corps à enterrer alors elle est mal placée pour ça, une cérémonie dont elle ignore tout, les derniers mots d'un défunt mort depuis longtemps. Il y a quelque chose de tragique à l'épandre partout comme un vulgaire fertilisant, et la tragédie, ça lui parle, ça devrait lui plaire. Mais c'est pas le cas, parce que Daisy, elle ne peut pas comprendre comment son papa qui prenait toute la place, toutes ses pensées, peut être réduit à ça, de la poussière au fil du vent. Alors elle a peur de mal faire dans sa volonté de trop bien faire. Peut-être qu'elle devrait tout verser ici, et s'épargner la douleur d'une éternelle répétition. Toby, il est plus sage, malgré son goût pour le sang et la destruction. Malgré ses douleurs et ses colères. Il est digne. Il flotte là-haut, un peu au-dessus du sol, là mais déjà parti. Alors lui, il sait.
Il doit savoir.
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