Et la fumée s'envolera, comme nos rêves et nos espoirs - Ariel

21 avril 2017 - 21h30

Tu t'étais avancé sur la plage après avoir posé un message sur le tableau d'affichage.

Hey, c'est notre dernière soirée à Océan City, je compte aller sur la plage vers 21h pour profiter des derniers embruns. T'es le bienvenue, toi, voyageur, quel que soit ton bus.
Chad, du Mungo

Tu t'étais assis sur le sable, face à l'océan, humant l'air iodé qui emplissait tes poumons peut-être pour la dernière fois avant un bon moment. Demain à 4h les bus démarreraient vers un nouvel horizon, et peut-être de nouvelles belles rencontres et aventures. C'est du moins ce que tu espérais.

Les minutes passaient et personne ne se présentait. Soit. Peut-être aurais-tu à finir la soirée seul. Mais qu'importait. Tu aimais la solitude aussi, et le son du silence. Comme dans la chanson de Simon and Garfunkel. Hello Darkness, my old friend. Tu commençais à chantonner, tout en tâtant tes poches à la recherche des maudites tueuses. Tu en sortais une et l'allumais à l'aide de ton Zipo gravé du nom de ton journal. Tu tirais sur la cigarette, laissant s'échapper la fumée de tes poumons après l'avoir retenue quelques instants. Et dans l'air humide s'éleva les grises voluptés toxiques.

Son sac et sa guitare étaient posés dans le Mungo. On y était, Ariel s'était débarrassé de son ancienne vie, il se retrouvait dans un environnement totalement inconnu. Il ne connaissait encore personne. Cela ne l'inquiétait pas, il saurait se lier rapidement. De toute façon, il n'était pas le seul inconnu, ici. Ils étaient tous inconnus les uns pour les autres. C'est ce qui faisait tout l'intérêt de ce road trip. Les rencontres. L'humain. Il aimait ça, l'humain, Ariel. À se demander comment il avait fini à travailler dans la finance, l'imbécile. Un peu plus tôt, en arrivant, il avait vu un message sur le panneau d'affichage. 21 heures sur la plage, avec un certain Chaud, logeant dans le même bus qu'Ariel. Se rapprocher d'un de ses colocataires pour les mois à venir, cela lui paraissait être une bonne idée. C'était la dernière soirée avant le départ. Le départ du bus, le départ d'Ariel vers une nouvelle vie. Demain, il serait dans un bus avec des inconnus. Ariel était persuadé que Chad etait quelqu'un de très sympathique.
Il avait eu du mal à le trouver, ce jeune homme. Déjà qu'il faisait bien sombre, Ariel n'avait aucune idée de ce à quoi peut bien ressembler ce fameux Char. Il avait fini par voir, au loin, un jeune homme assis sur le sable. Il était seul, et fumait, l'air paisible. Ariel interrompit son chantonnement, espérant ne pas le déranger. Quoi que, il avait laissé un message sur le panneau d'affichage, c'était pour qu'on le dérange.
"Chad, C'est ça ? Enchanté, je suis Ariel." Ariel s'attendait toujours à des blagues vaseuses sur son prénom. Le dessin animé était sorti après sa naissance, ses parents n'avaient pas vu la chose venir. Peu importe, il en fait avec les gens, à présent. "Il n'y a personne d'autre ?"

21 avril 2017 - 21h30

Tu entends le sable qui crisse mais tu ne te retourne pas. Les voyageurs nocturnes sont nombreux et tu ne voudrais pas être pris pour un stalkeur intempestif.

Mais l'homme se rapproche et t'interpelle. Il a l'air sympathique. Gosh... je désespérais que quelqu'un vienne. Mais visiblement tu es là. Enchanté Ariel. Tu dis d'un ton enjoué, fixant tes pupilles dans lesquelles se reflètent les étoiles naissantes sur l'homme. Tu ne relèves pas le prénom, ne jugeant pas cette première rencontre propice aux blagues de mauvais gouts. Eh non.. que toi, moi, l'océan et les mouettes. Tu laisses échapper quelques notes de rire avant de tirer à nouveau sur ta cigarette. Je t'en offre une ? Tu proposes en sortant le paquet de ta poche. T'es nouveau nan ? Tu finis par demander, n'ayant pas de souvenir de son visage relativement atypique.

Devant le soulagement de Chad, Ariel esquissa un sourire amusé. A priori, personne n'avait pointé le bout de son nez. Faisant écho au rire de Chad, Ariel rit de bon cœur. Il avait l'air d'avoir de l'humour. Ariel à toujours apprécié les gens avec de l'humour. C'est ce qui rend une conversation agréable, c'est ce qui anime vos journées. Convaincu de la bonne entente qu'ils pourraient tous deux trouver, Ariel s'assit aux côtés de son nouveau compagnon de route. Lorsqu'il lui proposa une cigarette, Ariel refusa poliment. C'est qu'il était bien équipé, le grand blond. En guise de justification, il sortit son paquet de tabac de sa poche et l'agita devant eux. Il l'ouvrit et commença à se rouler une cigarette. La feuille pliée en deux, le filtre coincé entre ses lèvres. Ses doigts tassaient le tabac, devenu sec à cause de la chaleur. Cela le rendait plus difficile à rouler, mais Ariel préférait galérer plutôt que de ne pas fumer. Pris par son addiction, il inséra le filtre entre ses doigts tout en répondant à la question de Chad.

"Oui. J'avais raté le départ à New York, du coup j'ai embarqué à Ocean City aujourd'hui. Ce sont les premières minutes dans l'aventure, à vrai dire."

Ariel laissa échapper un léger rire. L'imbécile qu'il était. Rater un départ en bus parce qu'on met trop de temps à faire une valise, au milieu des cris et des larmes de son être cher. Il voulait faire vite, partir immédiatement, et au finalw il s'était juste octroyé quelques jours en plus à être coincé à New York.
Au final, Ariel ne savait rien sur son interlocuteur. Si ça se trouve, il venait d'arriver aussi. Curieux, il lui posa à son tour une question.
"Tu viens d'arriver ou tu as embarqué à New York, toi ?"

21 avril 2017 - 21h30

Sympa ça. On va dire qu'il vaut mieux tard que jamais, right ? Tu dis, ajoutant un sourire, tirant une nouvelle bouffée. La nicotine transite dans ton système. Foutue addiction. Un jour tu t'en délaissera, laissant ces vieilles cigarettes mortelles sur le bord d'une route, les oubliant pour toujours. Je suis monté à New York, mais je suis originaire d'un bled près de Washington. Tu dis, un léger sourire aux lèvres. T'es né ailleurs, mais t'as grandi là bas. Dans une ville plate, sans buildings, dans l'Amérique administrative. Et t'as croisé des gens aussi. Dont le mec qui t'as embauché un jour et qui t'as dis. Chad y'a un projet de road trip, ça t'intéresse de postuler pour faire un grand reportage ? Forcément, t'as dit oui t'as postulé et t'as eu la mission, te promettant qu'un jour tu cesserai de prendre la foutue route pour te poser. Puis t'es venue à l'idée que tu cherchais à fuir le calme. Et c'était définitivement ça. Fuir la morosité. Découvrir et s'extasier.

Alors dis moi, Ariel, tu fuis quoi à New York pour être venu jusqu'ici rattraper ces foutus bus ? Tu demandes, haussant un sourcil, élargissant tes lèvres dans un sourire intrigué. Le ton était bien sûr ironique. Peut-être ne fuyait-il rien, mais tourner ainsi la question avait un charme certain, tu t'en étais auto-convaincu.

La réflexion de Chad arracha un sourire à Ariel. Il ne pouvait pas être plus d'accord. Il s'était dit la même chose, dans son train l'amenant à Ocean City. Il s'était dit qu'il ne pouvait pas rater ça. Qu'il ne pouvait pas rester.
Washington. Ariel y avait été, une ou deux fois. Pour le travail, uniquement. Il esquissa un sourire, se rappelant que ces fois-ci, il n'avait même pas vu la ville. Il avait bien fait de fuir. Et là, Ariel il est là, posé sur la plage. Il sait toujours pas ce qu'il fait là, il sait toujours pas pourquoi il 375 kilomètres pour rejoindre trois bus remplis d'inconnus, mais il est là. Et il est content. C'est peut-être le pire, dans l'histoire. Il aurait pu faire comme tous ses collègues, et partir en vacances au soleil, dans un club de vacances situé dans les îles. Il aurait pu prendre un chalet à la montagne. Il aurait pu faire comme ce collègue qui a pété un câble, et a juste trouvé une maîtresse. Mais non. Ariel il est pas comme ça, lui il a choisi la fuite. Il tira sur sa cigarette avant qu'elle s'éteigne, se retenant de s'étouffer avec sa fumée à la question de Chad. Qu'est ce qu'il fuyait ? Oh, si il savait. Ariel il a fuit sa vie. Il a fuit sa femme, il a fuit son travail. Ariel il est en cavale, bien qu'il n'aime pas ce terme. Chad n'aurait pas pu choisir de mot plus efficace. De mot plus juste. Il tenta de garder son calme. Mais il ne pouvait pas mentir non plus. Ariel, il déteste ça, le mensonge.
"Je fuis la vie. Je la fuis à la recherche du bonheur, et de changement. Ahaha." Ce n'était même pas un vrai rire, il sonnait très certainement faux. Mais Ariel n'avait rien trouvé d'autre à dire. Cela résumait bien sa situation, mais ne révélait rien, à vrai dire.
"Et toi ? Qu'est ce que tu fuis ?" Il lui retourna la question, espérant esquiver les question sur sa propre vie. Ariel n'avait pas vraiment envie de parler de lui, ces temps ci. C'était la porte ouverte aux reproches et questions, il en avait bien peur.

21 avril 2017 - 21h30

Bon plan. Tu te contentes de répondre, un sourire s'étalant sur tes lèvres. Tu tires une nouvelle fois sur ta cigarette, laissant s'évader la fumée épaisse par ton nez, dans une longue expiration. Un jour tu arrêteras de fumer. Un jour. Mais probablement pas demain.

Tu ne cherches pas à en savoir plus, n'ayant pas envie de remuer les souvenirs d'un homme cherchant à s'en détacher. Le road-trip s'annonçait encore long et tu aurais bien le temps de découvrir les secrets de cet homme. A vrai dire je suis ici pour bosser. Je suis grand reporter. Tu dis, calmement, avant d'enchainer. Mais d'après ma mère je fuis la vie de famille. Elle me votait déjà père à 22 piges. Tu laisse quelques notes cristallines de rire franchir tes lèvres.

T'es dans quel bus du coup ? Tu demandes, curieux, pour changer de sujet aussi. Pas que tu n'aimes pas parler de toi, mais il y avait surement des choses que tu refusais de t'avouer.