*Retour en arrière .Libre.

Calimehtar IV. Embarquer ce grand équidé d'1m75 au garrot avait été une dure tâche pour les vétérinaires qui s'occupaient de lui depuis la sortie de son calvaire. Ils furent obligés de le bourrer de puissants sédatifs pour pouvoir lui accrocher son licol et le mener à l'intérieur du van. Affaibli, l'Hanovrien avait dû se résoudre à se laisser faire, terrorisé et sans force pour se défendre. Soumis.

Le voyage avait duré longtemps, sans possibilité de sortir l'entier, ça aurait été beaucoup trop dangereux, autant pour lui que pour les personnes présentes. Pendant tout le trajet, Cali' espérait qu'on le mènerait vers la fin de sa vie, pour enfin pouvoir se détendre, respirer, c'est là que l'équidé voyait la fin du cauchemar. Le véhicule s'arrêta enfin en silence et en douceur dans la cour du Haras du Clos. Deux vétérinaires sortirent de l'avant et se dirigèrent vers le van, ils ouvrirent avec délicatesse. Le premier, avec précaution, sans brusquerie rentra dedans, en sifflotant un air doux pour essayer de calmer le cheval. En vain. L'animal tremblait de tout son maigre corps et de toute son impressionnante hauteur. L'homme le détacha enfin, et caressa doucement l'encolure de Calimehtar, déclenchant d'effroyable tremblement chez ce dernier. Il le sortit doucement et enfin l'on pu voir de ce que restait cet ancien champion.

Le célèbre Calimehtar IV était méconnaissable, ses flancs étaient lacérés, à vif, malgré les soins des vétérinaires, à cause d'éperons très sévères plantés dans ses flancs. Sa maigre croupe était quasiment dans le même état, avec quelques plaques sans poils ou rasés pour faciliter les soins. Ses côtes, ses hanches et sa colonnes vertébrales étaient largement visible et son poils ternes, signes d'une carence. D'autres plaies sur tout son corps, sur sa tête, montraient l'horreur qu'avait vécu ce cheval. Son regard terne et vide ne montrait plus la joie de vivre qu'il avait avant et son ancien esprit de pur gagnant. Ce n'était plus que l'ombre de lui même, une triste ombre macabre qui démontrait jusqu'où la cruauté humaine pouvait aller.

Joséphine Desroses écouta avec attention les paroles du plus âgé des deux vétérinaires. Elle hocha doucement la tête, dans un signe affirmatif. Pour la monitrice, la conversation était désormais quasiment close et elle souhaitait totalement se concentrer sur le Hanovrien pour l'accueillir dans les meilleures conditions possibles. Ainsi donc, quand l'homme marqua une pause et reprit, elle se tut également. Il sourit en disant espérer venir voir le cheval sur un parcours de saut d'obstacles, d'ici quelques temps. Par politesse, la Britannique lui rendit son sourire, mais elle n'écoutait plus trop les paroles du vétérinaire, lorgnant vers Calimehtar. Elle se demandait comme ce grand champion avait pu en arriver là. Lui qui, quelques années auparavant, avait toute la vie devant lui. Lui, à qui on promettait une longue et heureuse carrière, une fois de plus brisée par la stupidité humaine. Comme tant d'autres chevaux, hélas. Comme avant lui, pour les plus connus, Remember Me, cheval célèbre pour avoir tourné dans plusieurs films équestres très connus et maltraité par ses anciens propriétaires. Ainsi que l'ancienne attribution de Joséphine, Devil of Blood, abandonné mourant par sa cavalière lors d'une chute.
L'Anglaise sortit brusquement de ses pensées lorsqu'elle sentit le regard pesant du vétérinaire sur elle. Son ton était désormais celui de la conclusion. La monitrice écouta avec plus d'attention ses paroles, hochant la tête d'abord négativement puis positivement. Elle remercia les deux vétérinaires d'avoir emmené Calimehtar jusqu'ici puis les regarda doucement s'éloigner, remontant dans le véhicule. Puis le camion s'éloigna doucement, avant d'accélerer une fois qu'il eut franchi le portail du Haras du Clos. Joséphine les regarda s'éloigner en silence, avant de poser un regard doux sur le hanovrien. Elle poussa un petit soupir. Le cheval paraissait désormais plus calme, maintenant qu'il y avait moins de monde dans la cour pavée. Se retournant afin de vérifier qu'elle était bel et bien seule, la Britannique découvrit alors tout un petit attroupement d'élèves, non loin. La plupart avait l'air curieux, d'autres chuchotaient à voix basses et d'autres encore, n'ayant jamais vu la discrète jeune femme aux longs cheveux noirs avec un cheval, affichaient un petit sourire railleur. Jo' leur lança un regard noir comme elle n'en faisait que très rarement et s'efforça de leur lancer avec le plus diplomatie possible :
« S'il vous plaît. Ce cheval a été maltraité et il est très craintif. Il n'aime pas qu'il y est beaucoup de monde autour de lui. Pourriez-vous vous enlever, s'il vous plaît ? » Indifférente aux railleries et moqueries des élèves, la jeune femme les regarda, les dévisagea. Ils ne s'exécutaient pas. Comme Calimehtar, elle n'aimait pas être entourée de trop de monde à la fois. Joséphine était plus une solitaire, et surtout, ce qu'elle détestait par-dessus tout, c'est qu'on la regarde "travailler" avec un cheval. Elle eut un petit sourire à l'adresse du hanovrien quand les élèves finirent par capituler pour s'éloigner doucement. Si certains se dissimulèrent sans doute hors de la vue de la monitrice, celle-ci n'en tint pas compte, tant qu'ils n'effrayaient pas le grand cheval à la robe d'ébène. D'ailleurs, la Britannique se reconcentra totalement sur le nouvel arrivant. Elle tenait toujours la longe du bout des doigts, suffisamment fort pour la garder en main si le cheval avait une réaction innatendue mais avec suffisamment de douceur pour lui laisser de la liberté. La corde reliant les deux êtres flottait et le hanovrien était quasiment totalement libre de ses mouvements. Joséphine le regarda, puis chuchota d'une voix douce et rassurante :
« Hé, bonhomme, ça va mieux ? T'as vu, il n'y plus grand monde maintenant. Juste toi et moi. Et crois-moi, tu n'as pas à avoir peur de moi. »
Elle sourit doucement, à ses propres paroles. Les chevaux, pour la plupart, aimaient les gens souriants plutôt que ceux à l'air sévère. Et puis, le sourire était encore plus important en compagnie de Calimehtar. Il fallait le mettre en confiance, lui rappeler que tous les humains n'étaient pas des monstres. Ceux qui l'avaient maltraité, de plus, ne prenaient sans doute pas la peine de sourire au beau hanovrien, ou pas d'un sourire aussi encourageant et plein de gentillesse de Joséphine.